sabato 23 maggio 2009

Renaud Van Ruymbeke: "Ça sent la fin"

La lutte contre la délinquance financière est en régression

LE MONDE | 23.05.09

"Ça sent la fin". C'est ainsi que le juge Renaud Van Ruymbeke décrit le climat qui règne au pôle financier du tribunal de Paris. Les quatorze juges de la "section économique et financière" savent leurs jours comptés.

Au moment où Nicolas Sarkozy prévoit la suppression du juge d'instruction, les spécialistes de la délinquance économique voient le nombre de leurs affaires se réduire comme peau de chagrin. "La réforme de la suppression du juge d'instruction a été largement anticipée", note M. Van Ruymbeke. Entre 2007 et 2008, le nombre de dossiers confiés par le procureur à des juges d'instruction - ils ne peuvent pas s'autosaisir - est brutalement passé de 467 à 251 pour l'ensemble des affaires, santé publique (quatre juges) et délinquance astucieuse (les escroqueries, neuf juges) comprises.

La chute est vertigineuse pour les délits financiers les plus complexes, qui ont fait la gloire et la raison d'être du pôle parisien créé en 1999 : 21 informations judiciaires ont été ouvertes en 2008, contre 88 en 2007 (et 101 en 2006). Depuis le début de l'année 2009, le procureur de Paris a ouvert six informations.

"J'ai pour six mois à un an de travail à plein temps, explique M. Van Ruymbeke. J'ai eu deux nouvelles affaires en 2008, dont la Société générale-Kerviel, trois depuis le début de l'année. Je gère un stock d'une vingtaine de dossiers. A terme, si le ralentissement se poursuit, la réduction du nombre de juges d'instruction me paraît inéluctable."

Les plus anciens constatent la fin d'une époque, celle des grandes affaires politico-financières et des figures qui les ont incarnées : Eva Joly, qui avait commencé à instruire l'affaire Elf, fait à présent de la politique. Philippe Courroye est devenu procureur de la République de Nanterre contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature et s'est opposé à Xavière Siméoni - qui va rejoindre la cour d'appel de Paris -, dans l'instruction des affaires de la Mairie de Paris. M. Van Ruymbeke est sous la menace d'une sanction disciplinaire, en marge de l'affaire Clearstream, qui, depuis 2004, a profondément divisé le pôle financier.

Les dernières affaires significatives - Antoine Zacharias-Vinci (délit d'initié, abus de bien social), Natixis-Caisses d'épargne, Bernard Madoff-BNP Paribas (abus de confiance), François Pérol (prise illégale d'intérêt) font l'objet, non d'instructions, mais d'enquêtes préliminaires. Dans ce cadre juridique, le parquet est maître du dossier, et du temps.

"Sortir une affaire financière et la soumettre à une juridiction dans un délai de douze à dix-huit mois, c'est assurer une meilleure justice et une meilleure répression", défend le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, en fustigeant des instructions qui durent parfois plus de dix ans : "Si c'est pour juger au carbone 14 !"

"Nous ouvrons systématiquement une information quand il s'agit d'une affaire complexe, qui a des acteurs multiples et des ramifications internationales", précise-t-il. Le magistrat souligne qu'un plus grand nombre d'instructions ont été ouvertes sur les quatre premiers mois de l'année qu'à la même époque de 2008.

"Le parquet n'a pas la religion de ne pas saisir les juges, répond M. Marin. Il a celle de mieux les saisir." Les enquêtes préliminaires se développent, convient le procureur : "C'est une tendance lourde. Ce n'est pas une volonté d'anticiper la suppression du juge."

Ce mouvement a été enclenché par le prédécesseur de M. Marin, Yves Bot, à partir de 2002. Il a trouvé sa consécration législative en 2004 avec la loi Perben II, qui a élargi les pouvoirs du parquet dans les enquêtes préliminaires. Il peut, par exemple, procéder à des perquisitions et à des écoutes téléphoniques, sous le contrôle d'un juge des libertés et de la détention.

De 2002 à 2005, les instructions financières en cours avaient donc déjà baissé : de 734 à 635. Le nombre de celles ouvertes par constitution de partie civile demeurait stable, autour de 80 par an. C'est par cette voie qu'avait démarrée l'affaire Elf. Mais la loi de 2004 a créé un filtre : elle oblige le plaignant à passer d'abord par le procureur, avant de pouvoir saisir le doyen des juges d'instruction. Entre 2007 et 2008, le nombre des instructions ouvertes par décision du parquet est passé de 42 à 14, tandis que le nombre de celles déclenchées par des particuliers par la constitution de partie civile a chuté de 46 à 7.

Les enquêtes préliminaires sont souvent contestées et font l'objet de tous les soupçons. Dans ce cadre, le parquet enquête depuis décembre 2008 sur des mouvements de fonds suspects du député PS Julien Dray. Depuis cinq mois, ce dernier n'a pas eu accès au dossier en dehors des extraits parus dans la presse. Le procureur justifie l'enquête préliminaire, car l'affaire ne nécessite ni mise en détention, ni investigations internationales.

Dans d'autres affaires politiques récentes, procureur et juge se sont affrontés. En avril 2008, la cour d'appel a tranché en faveur de la juge Françoise Néher, en ordonnant que soit instruite la plainte pour favoritisme déposée en 2007 contre Bernard Laporte par la direction du casino de Gujan-Mestras (Gironde). Le parquet s'était opposé à l'instruction, estimant que le délit n'était pas constitué.

"Le juge d'instruction peut faire des enquêtes sur les gens que le pouvoir national ou local protège, rappelle Guillaume Daieff, lui-même juge au pôle délinquance astucieuse, et membre de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). Ce n'est pas toujours le cas du parquet, comme le montre l'affaire des biens mal acquis des chefs d'Etat africains."

Cette affaire fait polémique. Mardi 5 mai, contre l'avis du procureur, Françoise Desset, doyenne des juges d'instruction du pôle financier, a jugé recevable la plainte déposée par l'ONG Transparency International et un contribuable gabonais pour "recel de détournement de fonds publics", contre les présidents Omar Bongo du Gabon, Denis Sassou-Nguesso du Congo et Teodoro Obiang de Guinée-Equatoriale. Le parquet a fait appel. "C'est une décision strictement juridique. La chambre de l'instruction tranchera", se défend M. Marin.

"Il existe une volonté de main- mise du pouvoir politique sur les parquets, affirme M. Van Ruymbeke. Il faut manifestement éviter que les juges d'instruction, qui échappent à toute tutelle du pouvoir exécutif, ne sortent des affaires politico-financières comme ils l'ont fait depuis une vingtaine d'années." Parmi les plus jeunes du pôle, une juge dit : "L'adversité nous soude, ça sent le foyer de résistance contre la suppression des juges d'instruction."

Le procureur de Paris conclut : "Nous n'attendons l'approbation de quiconque. Le procureur général est avisé de nos décisions. Je ne suis pas un agent de l'exécutif, je défends l'intérêt général."

Nathalie Guibert et Alain Salles

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